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SEP

la perte de sensibilité

17 mai 2018
Elle arrive sur la pointe des pieds, au détour d’une conversation, à la sortie de la douche ou lors d’une ballade, peu importe. Je sens une légère différence, une étrange sensation. Elle attire mon attention mais j’y prête peu d’importance au début tellement elle avance lentement. Puis ça persiste, c’est de plus en plus fort. Je la ressens parfois dans la main ou dans la jambe ou dans le pied. Parfois elle traverse mon corps de sous la poitrine jusqu’au pied. Parfois à gauche, parfois à droite. Parfois, c’est juste désagréable, parfois c’est douloureux, parfois c’est horrible. Elle me brûle ou me râpe tout un côté du corps.

En novembre 2003, je ne sens plus ma main gauche. Attraper mon ticket de métro, tourner un robinet ou m’habiller peut être compliqué. Des gestes simples que l’on fait quotidiennement sans y prêter la moindre importance deviennent difficiles ou impossibles. Perdre un objet que l’on a dans la main sans s’en rendre compte, ne plus sentir les choses. Avoir une enveloppe capitonnée autour de soi, comme une moufle. Avoir l’impression qu’une partie de son corps s’est endormie mais qu’elle est devenue irritable et très sensible.
En mai 2004, tout mon côté droit est chaud (de mon pied à la hanche). Une enveloppe s’est ajoutée à ma peau, une épaisseur fine et vaporeuse s’est développée autour d’elle. Comme une brume qui passe et s’épaissit sur ma peau. Je la sens toujours présente. Elle modifie mes repères, mon rapport sensitif aux éléments que je touche, elle fausse ma perception du toucher. Je ressens une sensation désagréable et insupportable quand cette partie de mon corps est en contact. Ça me gêne quand on me touche, même une simple caresse, un effleurement.

En janvier 2007, je ne sens plus mon côté droit. Ma jambe est chaude et une enveloppe l’entoure. Cette sensation se propage et s’intensifie jusqu’au ventre. Ça me brûle quand je me douche. C’est très désagréable tout le temps. Je ne peux plus croiser les jambes et je dors sur mon côté gauche.
En juin 2007, je ne sens plus mon côté gauche, d’abord la jambe puis la main. Ca me brûle fort sur le dessus des cuisses. Un mois plus tard, c’est le côté droit. En quelques jours, l’évolution est terrifiante. Je ne peux plus écrire ni manger seule. C’est pesant.

Puis il y a encore des épisodes comme ceux-là où je ne sens plus une partie de mon corps. Et en juillet 2013, mon côté gauche me brûle de plus en plus fort. Je ressens des troubles sensitifs sur tout ce côté. Ça me brûle. J’ai des décharges électriques dans le pied droit. Les mouches me piétinent la jambe, je sens leurs petites pattes sur mon corps endormi, comme si elles étaient lointaines. Heureusement, je peux encore les chasser avec la main. J’ai marché à pieds nus dans l’herbe. Le contact de mon pied sur l’herbe m’est très désagréable, presque insoutenable. Ces impressions de décharges électriques me tétanisent. Je suis parfois paniquée et déconcertée par ces symptômes qui surviennent sans prévenir et qui s’installent paisiblement. Je ne peux que sentir ses effets sur mon corps sans ne pouvoir rien faire quand elle arpente chaque jour un peu plus le terrain, stagne en milieu ombrageux puis s’estompe après quelques semaines voir quelques mois. Je me sens encombrée par mon corps auquel il manque parfois certaines libertés. Cette perte de sensibilité à droite m’affaiblit encore a peu près une fois par an, mais ce n’est pas une poussée, “juste” une séquelle, une lacune, une faiblesse qui me surprend quand je suis plus fatiguée… Je suis passée à 3 sur l’échelle EDSS

SEP

“vous faites des études de communication???”

20 février 2018
J’ai senti sa main sur mon genou, sa chaleur quand elle m’a prise dans ses bras dans la rue après ce rendez-vous difficile. Heureusement, je n’étais pas seule pour endurer et supporter le poids de cette douloureuse épreuve. Il y a eu ma mère d’abord, mes sœurs, mes amies, mon chéri toujours. Il y a eu des petits mots, des petits gestes, des encouragements, des rires qui ont été un grand soutien. Il y a eu tous ces moments pendant lesquels je suis parvenue à oublier le reflet immonde que la SEP déversait sur moi. Ce goût amer et infect a mis du temps mais s’est évaporé doucement. J’ai souvent tenté de le diluer, de m’en détacher. Mais cela a été très long. Au début l’envie de pleurer était plus forte que tout. Je pouvais exploser en sanglots à chaque instant. J’avais tellement besoin que l’on vienne me réconforter. Mais je me suis enfermée, je me suis construit une carapace. Je ne voulais pas en parler ni affronter la réalité. Je disais “oui ça va”.

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