SEP

“vous faites des études de communication???”

20 février 2018
J’ai senti sa main sur mon genou, sa chaleur quand elle m’a prise dans ses bras dans la rue après ce rendez-vous difficile. Heureusement, je n’étais pas seule pour endurer et supporter le poids de cette douloureuse épreuve. Il y a eu ma mère d’abord, mes sœurs, mes amies, mon chéri toujours. Il y a eu des petits mots, des petits gestes, des encouragements, des rires qui ont été un grand soutien. Il y a eu tous ces moments pendant lesquels je suis parvenue à oublier le reflet immonde que la SEP déversait sur moi. Ce goût amer et infect a mis du temps mais s’est évaporé doucement. J’ai souvent tenté de le diluer, de m’en détacher. Mais cela a été très long. Au début l’envie de pleurer était plus forte que tout. Je pouvais exploser en sanglots à chaque instant. J’avais tellement besoin que l’on vienne me réconforter. Mais je me suis enfermée, je me suis construit une carapace. Je ne voulais pas en parler ni affronter la réalité. Je disais “oui ça va”.

 

 

 

J’étais hermétique à toute discussion concernant ma santé. Je ne voulais pas que mes proches souffrent à cause de moi. J’étais en colère. J’étais contradictoire. J’avais envie que l’on m’aide et en même temps, j’interdisais presque qu’on me tende la main. Le jour où j’ai eu confirmation du diagnostic lors d’une hospitalisation, je me suis dit “ce n’est pas possible, vous devez faire erreur madame”. Je n’en voulais pas. Je ne voulais pas en entendre parler. Personne ne devait savoir. Je la fuyais. Je voulais la vomir mais elle m’avait déjà emportée, engloutie et propulsée au fond du trou. J’avançais les yeux bandés.

 

Le 31 décembre 1999, mon chéri m’a dit que j’étais la femme de sa vie, qu’il aimerait vivre avec moi. Ca m’ a énormément touchée. Mais j’ai failli le faire répéter. Intérieurement, je lui disais, tu ne peux pas être amoureux de moi, je suis une imposture. Mon corps est malade. A l’intérieur, c’est l’horreur. Mon corps est pourri. Un jour, ce sera visible. J’avais peur de ne pas suivre et de le décevoir si mes problèmes de santé s’accéléraient. Ma tête était polluée.
Mon chéri est à mes côtés depuis le début. Même avec lui, j’avais du mal à en parler. Ce ne sont pas des choses que l’on a envie d’afficher devant mais plutôt d’écrire en tous petits caractères au dos. Il m’a toujours soutenu, consolé, réconforté, encouragé, pris dans ses bras. Il me rassurait. On allait construire ensemble un château fort, à notre rythme. On allait y arriver, on allait prendre le temps. L’avenir était inquiétant et incertain mais je n’étais pas seule. Je pouvais continuer à croire en moi, à rêver, à espérer et tenter de refaire confiance à la vie. On a appris à se connaître, à se construire avec la maladie. J’ai consulté une psychothérapeute également qui m’a beaucoup aidé à accepter la maladie, à apprendre à vivre avec et à voir le positif sur mon chemin. Tout était à réapprendre. Toute ma perception avait été modifiée. La SEP a tout bousculé chez moi. Mes repères ont été retournés, falsifiés, chiffonnés.

Mon ouverture aux autres, ma perception de l’avenir, le rapport que j’avais avec mon corps, cette maladie dégénérative avait tout détruit. Il a fallu que je revois ma façon de manger, de parler, de marcher, d’écrire, de toucher, etc. Il me fallait me réapproprier ma façon d’être. Tout a été compliqué au début. L’imprévisibilité et la force des symptômes m’ont anéantie. Il fallait presque que je ré-apprenne à respirer et ne pas rester en apnée.
J’ai passé tellement de temps à fuir la maladie, à essayer de la dissimuler, tenter de ne rien laisser paraître, faire attention à chaque geste en permanence, que c’est encore difficile aujourd’hui de m’ouvrir aux autres, d’être moi-même, d’être spontanée et à l’aise avec des personnes que je connais moins. Il y a toutes ces personnes qui me sont chères, qui m’ont énormément aidée et m’aident encore à ne pas baisser les bras, à toujours avancer, à voir le chemin parcouru. Il y a des amitiés qui se sont renforcées, des liens qui se créent, d’autres qui s’estompent. Il y a des personnes à qui j’en ai parlé tout de suite, d’autres avec qui je n’en parlerai sans doute jamais, d’autres avec qui ce n’est pas venu immédiatement car il me faut du temps pour me confier. Mais j’y travaille et j’espère qu’un jour j’arriverai à me détacher totalement de l’ombre que la maladie a sur moi.

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